Classe des Reptiles

Les Reptiles ont le sang froid, la peau couverte d'un épiderme écailleux, les mâchoires armées de dents ou munies de bords cornés et tranchants. Les uns ont quatre membres, les autres n'en ont pas et se déplacent en rampant.

La plupart de nos espèces sont ovipares et pondent des œufs à enveloppe dure ou molle, d'autres sont ovovivipares et font des petits vivants.

 

Tableau indiquant la distribution géographique, par espèces, des 13 reptiles observés
dans les départements de la France centrale

Espèces

Indre

Vienne

Haute-
Vienne

Indre-
et-
Loire

Loir-
et-
Cher

Cher

Creuse

Corrèze

Puy-
de-
Dôme

Allier

Nièvre

 1. Cistude d'Europe

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 2. Lézard vert

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 3. Lézard des souches

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 4. Lézard vivipare

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 5. Lézard gris

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 6. Orvet fragile

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 7. Couleuvre d'Esculape

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 8. Tropidonote à collier

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 9. Tropidonote vipérin

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 10. Coronelle lisse

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 11. Zaménis vert-jaune

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 12. Vipère aspic

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 13. Vipère péliade

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Ordre I. — Chéloniens

Les Chéloniens ont les yeux munis de paupières et la langue charnue ; ils n'ont pas de dents, mais leurs mâchoires sont pourvues de bords cornés et tranchants. Leur large corps est protégé par une boîte osseuse couverte de larges écailles, nommée bouclier en dessus et plastron en dessous.

Le bouclier est formé par les côtes et les vertèbres ; le plastron par une sorte de sternum très développé.

Les Chéloniens peuvent abriter dans cette carapace leur cou, leur tête, leurs quatre membres et leur queue.

Ils sont ovipares et pondent des œufs à enveloppe dure.

Famille des Élodites

GENRE CISTUDE, Cistudo - Gray.

Tête de moyenne grosseur ; cou assez allongé ; boîte osseuse ovale ; bouclier bombé, légèrement caréné chez les jeunes, parfois un peu relevé vers ses bords libres ; plastron plat ou légèrement concave, à peine relevé vers ses extrémités ; bouclier et plastron joints par un cartilage ; membres forts et trapus ; pieds palmés, à cinq doigts ; pieds antérieurs munis de cinq ongles ; pieds postérieurs munis de quatre ongles plus longs que ceux des membres antérieurs ; queue peu allongée.

Le bouclier porte cinq larges écailles vertébrales, quatre larges costales de chaque côté des vertébrales et est entouré de vingt-cinq marginales beaucoup plus petites. Le plastron a six paires d'écailles. Il arrive souvent que les écailles présentent des anomalies ; ainsi, nous possédons plusieurs sujets dont les écailles vertébrales sont au nombre de six, sept ou huit, un autre individu qui a six costales sur l'un des côtés, un autre qui porte vingt-sept écailles marginales.

Le mâle est un peu plus petit et a le bouclier moins bombé que la femelle, son plastron est légèrement concave au lieu d'être plat, il a l'anus plus éloigné du bord postérieur du plastron, et sa queue est aussi plus grosse et plus longue.

1. — Cistude d'Europe, Cistudo Europœa - Duméril et Bibron.

Cistude d'Europe, Emys orbicularis

Bouclier brun foncé noirâtre, avec des points ou des rayons jaunâtres, quelquefois entièrement brun rougeâtre. Plastron jaunâtre, plus ou moins marqué de larges taches brunes très sombres ; ces taches, surtout chez les mâles, couvrent souvent tout le plastron qui a alors une teinte uniforme d'un brun presque noir. Tête, cou, membres et queue noirâtres, plus ou moins marqués de gros points et de taches d'un jaune clair formant parfois des raies sur les membres antérieurs et sur la queue. Iris jaune clair, presque toujours très maculé de brun ou de rougeâtre ; ongles noirs.

Mesures prises sur des adultes de grande taille :

Mâle : Tête et cou : 0 m. 077 ; queue : 0 m. 090 ; de l'extrémité postérieure du plastron à l'anus : 0 m. 025 ; longueur du bouclier : 0 m. 153 ; largeur du bouclier : 0 m. 125.

Femelle : Tête et cou : 0 m. 093 ; queue : 0 m. 080 ; de l'extrémité postérieure du plastron à l'anus : 0 m. 019 ; longueur du bouclier : 0 m. 175 ; largeur du bouclier : 0 m. 139. Cette femelle pesait 950 grammes.

La Tortue, qui habite presque tous les étangs de l'Indre et principalement ceux de la Brenne, est rare ou inconnue dans soixante-quinze départements français. Elle est fort commune sur la plupart de nos grands étangs ; on rencontre même quelques sujets sur les rivières avoisinant les endroits marécageux. Parfois on trouve des Tortues dans des localités fort éloignées des marécages ; ce sont des individus captifs qui sont parvenus à s'échapper et qui restent sur les rivières ou les ruisseaux du voisinage.

Elle paraît vers le milieu ou la fin de mars, nage et plonge parfaitement et ne s'éloigne pas des eaux, sauf au moment de la ponte. L'accouplement a lieu en avril, dans l'eau peu profonde. La femelle pond fin mai ou en juin, rarement dans les premiers jours de juillet. Elle recherche alors une prairie, un bois, un champ de céréales, à 100 ou 150 mètres de l'étang, et dans la soirée elle gratte la terre et pond de 5 à 11 œufs d'un blanc mat, à enveloppe dure, allongés, presque aussi gros d'un bout que de l'autre et mesurant 37 à 39 millimètres de longueur ; puis, après les avoir recouverts de terre, elle retourne à l'eau sans se préoccuper de son nid. Nous ne savons combien dure l'incubation, mais, d'après les observations qu'on lira plus loin, nous pensons que l'éclosion a lieu 22 mois après la ponte. Quelques jeunes sortent de l'œuf pendant le deuxième automne et restent sous terre jusqu'au printemps suivant. En mars, les laboureurs qui travaillent à proximité des étangs trouvent parfois des pontes composées d'œufs et de jeunes sujets déjà éclos et qui sont restés près des œufs contenant des petits sur le point d'éclore ; lorsque le soleil a réchauffé la terre et lorsqu'elle est détrempée par les pluies du commencement du printemps, tout ce petit monde travaille, gratte pendant de longues heures et enfin arrive à l'air libre et ne tarde pas à se rendre à l'eau. Dans chaque ponte, il y a presque toujours plusieurs œufs qui ne sont pas fécondés. La jeune Tortue vit de Vers, de Larves d'Insectes aquatiques, de petites Larves de Batraciens, rarement de très jeunes Poissons ; l'adulte mange des Vers, des Mollusques, des Larves et de jeunes Batraciens, des Insectes et très peu de Poissons, car elle n'est pas assez agile pour capturer ces derniers.

Elle disparaît dès les premiers jours d'octobre et même fin septembre, et ne se montre plus que par les belles journées d'automne ; enfin elle s'enfonce dans la vase et y passe la mauvaise saison.

Il n'est pas rare, en Brenne, de rencontrer des individus jeunes ou adultes dont les bords libres du bouclier sont retournés et déformés de telle façon qu'ils ne peuvent abriter que partiellement leurs membres, leur tête et leur queue dans leur carapace.

Nous avons eu, et nous possédons encore dans notre jardin, de nombreux sujets captifs. C'est dans un grand bassin qu'ils se tiennent le plus souvent ; quelques individus vivent isolés dans les petits bassins disséminés un peu partout, ce qui nous gêne fort, car ces Reptiles viennent y faire la chasse à nos Larves de Batraciens.

C'est presque toujours dans le grand bassin qui leur est réservé que nos Tortues s'accouplent : le mâle se hisse sur le dos de la femelle et se maintient au moyen de ses ongles fixés sous les bords libres du bouclier de sa compagne ; il reste ainsi de longues heures à la surface de l'eau, inclinant souvent la tête, touchant de son museau celui de sa femelle, l'empêchant d'allonger le cou et se secouant fortement de droite et de gauche ; au bout d'un temps plus ou moins long les amoureux se séparent. Il ne faudrait pas croire qu'on assiste à l'accouplement toutes les fois qu'on aperçoit deux sujets l'un sur l'autre : quelques vieux mâles, captifs depuis de nombreuses années, tracassent presque continuellement les femelles par leurs assiduités intempestives. Nous avons observé l'accouplement en avril et aussi en juillet, août et septembre ; pendant ces derniers mois, le mâle reste très longtemps fixé sur le dos d'une femelle sans qu'il y ait accouplement véritable, et il finit parfois par noyer sa compagne, car il ne lui donne pas le temps de lever la tête hors de l'eau pour respirer ; la respiration et la circulation étant assez rapides pendant les beaux jours, l'asphyxie se produit bientôt. Bien souvent, nous avons été obligés de faire lâcher prise aux mâles trop ardents, et non sans peine, car notre présence ne les importunait guère, habitués qu'ils étaient à être touchés constamment. À défaut de femelle, le mâle grimpe sur un sujet de son sexe.

La Cistude est assez sauvage pendant les premières semaines de sa captivité ; mais si on ne la brutalise pas, si on lui apporte régulièrement sa nourriture, elle s'apprivoise vite.

Nos Tortues viennent au bord de leur bassin presque toutes les fois que nous en approchons, en sortent, montent sur nos jambes si nous nous asseyons par terre, et semblent attendre le morceau de viande crue, le petit Poisson ou le Têtard que nous avons l'habitude de leur offrir et qu'elles viennent prendre dans notre main. Dans l'eau, elles prennent presque toujours le Poisson par le milieu du corps ; dès qu'il ne fait plus de mouvements, elles le saisissent par la tête et l'avalent prestement. Lorsque leur proie est trop grosse, elles la déchirent avec leurs ongles. En quelques minutes elles peuvent dévorer plusieurs Goujons ou Ablettes ; mais il faut leur donner des Poissons à moitié morts, car elles attrapent difficilement les sujets vigoureux. Il est curieux de les voir se poursuivre même hors de leur bassin, lutter pour s'arracher une proie, puis revenir à l'eau pour l'avaler. Nous les nourrissons ordinairement avec de la viande coupée en morceaux : elles sont friandes de Poissons, de Têtards, d'Escargots qu'elles retirent adroitement de leur coquille ; nous leur avons fait avaler jusqu'à des tronçons de Couleuvres. Elles ne semblent pas aimer beaucoup la chair des Batraciens adultes et touchent rarement à nos Grenouilles et encore moins à nos Crapauds ; si elles tuent et déchirent un de ces derniers, elles ne le mangent pas. Lorsqu'une Tortue s'empare d'un Escargot, elle le porte aussitôt dans un bassin, le dépose sur le bord et ne le quitte pas de l'œil ; aussitôt que le Mollusque, gêné par l'eau, commence à se montrer hors de sa coquille, elle le saisit vivement par la tête, et, d'un coup de patte, l'arrache de son abri, puis elle l'avale immédiatement. Nos Cistudes dévorent aussi beaucoup de Hannetons qu'elles déchirent avant de les avaler. Nous les avons vues manger des œufs d'Insectes aquatiques et même des touffes d'algues minuscules qui contenaient des pontes ou de très jeunes Larves.

Pendant l'été, elles vivent ordinairement sur les bords du bassin, immobiles, le cou allongé, la tête haute, se chauffant au soleil et disparaissant dans l'eau à la moindre alerte ; un sujet captif depuis peu, et par conséquent plus sauvage que les autres, suffit à jeter la panique dans la bande ; puis elles reviennent à la surface et les vieilles captives ne tardent pas à venir se placer en face de l'observateur, attendant qu'on leur donne quelque friandise.

À l'époque des très fortes chaleurs, elles passent au fond de leur bassin les heures les plus chaudes de la journée et montent de temps à autre respirer à la surface. Dès le mois d'octobre, elles restent dans l'eau lorsque la température s'abaisse ; quand le soleil se montre, elles viennent, pendant quelques heures, recevoir ses rayons ; en novembre, elles disparaissent. Les unes s'enfoncent dans la terre, de préférence sous un tas de bois ou de fumier, et font un trou peu profond, qu'elles bouchent soigneusement ; elles dorment ainsi pendant de longues semaines, la tête, les membres et la queue abrités dans leur carapace. Les autres, et c'est le plus grand nombre, hivernent dans l'eau et se cachent dans la vase. Le 21 novembre, nous trouvons, au fond d'un bassin, quatre Tortues inertes dont les yeux étaient fermés et dont la tête, les membres et la queue étaient hors de la carapace ; elles semblaient mortes. Placées dans une chambre ayant une température de + 12 à 14° centigrades, deux d'entre elles commençaient à remuer au bout de vingt-quatre heures ; le deuxième jour, les quatre Tortues circulaient lentement et avaient encore les yeux fermés ; le troisième jour, deux avaient les yeux ouverts ; le quatrième jour, la troisième ouvrait les yeux ; enfin, la dernière ne voyait clair que le cinquième jour. Cette expérience montre combien l'engourdissement est parfois profond chez ce Reptile. Généralement, il n'en est pas ainsi ; les Tortues passent la mauvaise saison sans être complètement engourdies et en ayant soin de rentrer leurs extrémités dans leur carapace. Si on les retire de l'eau à ce moment, elles ouvrent les yeux et font quelques mouvements, même pendant les grands froids. Nous avons vu des sujets, entièrement pris dans un bloc de glace, revenir à la vie après le dégel.

Les sujets qui hivernent dans de très petits bassins peu profonds, abrités du nord et placés de façon à être au soleil le plus longtemps possible, peuvent sortir de leur léthargie en décembre, janvier ou février, lorsque le soleil se montre pendant plusieurs jours et que la température s'élève ; cependant ils ne s'éloignent pas et ne restent que quelques heures hors de leur abri. Ce n'est guère qu'en mars que ce Chélonien reprend sa vie active et se montre chaque jour ; il arrive même qu'il passe hors de l'eau les belles nuits de printemps. Ce n'est pourtant pas un animal nocturne, car il ne voit pas clair la nuit, ne sait où aller lorsqu'on le surprend et butte sur tous les obstacles qu'il rencontre.

La Tortue nage par bipède diagonal ; elle marche de la même façon, mais les mouvements sont moins réguliers.

Revenons à la Tortue vivant à l'état sauvage. On la trouve fréquemment sur le bord des étangs ou endormie sur un tas de joncs flottants. Elle aime à faire sa sieste, par un beau soleil, couchée, souvent en réunion, sur une motte herbue ; mais il faut, pour la saisir à ce moment-là, s'approcher avec une précaution extrême. Nos paysans capturent les Tortues quand les étangs destinés à être pêchés se vident ; elles ont beau se cacher dans la boue, on les aperçoit et elles sont faciles à prendre ; ils s'en emparent aussi dans les fossés qui communiquent avec les étangs et lorsque les femelles s'éloignent de l'eau pour aller pondre.

Elle ne crie pas, mais, à l'époque du rut, elle fait entendre parfois un très faible sifflement.

Adulte, elle a peu d'ennemis, tandis que les jeunes sujets sont détruits par une foule d'animaux.

Nous ignorons si l'épiderme de la Tortue est caduc comme celui de nos autres Reptiles. Nous n'ayons jamais observé, sauf à la partie engainante du cou, le changement de peau chez cette espèce, soit sur nos sujets captifs, soit en préparant les nombreux individus que nous avons empaillés. Il y a plusieurs années, on nous a apporté une grande femelle qui avait perdu quelques-unes des larges écailles de son bouclier ; cette bête vit encore et on ne voit nulle trace d'écailles nouvelles sur la partie osseuse mise à découvert.

Malgré tous nos efforts, il nous a été impossible de mener à bien une ponte de Tortue, et pourtant il y a longtemps que nous nous occupons de cette espèce. Nous croyons cependant qu'il est utile de faire connaître les observations que nous avons pu faire sur la façon de pondre de nos captives et sur le développement des œufs que nous nous sommes procurés chez nous ou chez les personnes du voisinage qui possèdent des Tortues destinées à faire la chasse aux Mollusques qui dévastent leurs potagers.

Nos Tortues pondent fin mai ou en juin, très rarement dans les premiers jours de juillet ; lorsque la femelle n'est pas dérangée, la ponte se fait en une seule fois et se compose de 5 à 11 œufs, selon la taille de la bête.

La Cistude qui veut pondre quitte le bassin et circule dans le jardin, cherchant une place favorable qu'elle choisit presque toujours dans un endroit gazonné. Dans la soirée, mais avant le coucher du soleil, elle creuse la terre au moyen de ses membres postérieurs armés d'ongles puissants ; elle urine abondamment, et la terre, triturée, détrempée, forme peu à peu une masse de boue, qu'elle dépose près du trou en s'aidant alternativement de ses pattes. Pendant ce temps, les membres antérieurs restent à la même place, sans bouger, et la tête disparaît presque dans la carapace. Lorsqu'elle sent qu'elle ne retire plus de terre en allongeant les membres postérieurs, elle pond un œuf et l'accompagne au fond du trou en le soutenant avec une de ses pattes ; un second œuf paraît bientôt et ainsi de suite. La ponte terminée, elle prend quelques instants de repos, et, toujours avec ses pattes de derrière, elle ramène la terre ou plutôt la boue sur ses œufs, la tasse fortement, longuement, et enfin se retire. Tout ce travail dure environ quatre heures et il est nuit noire lorsque l'opération est terminée. Le lendemain, il est fort difficile de retrouver l'endroit où s'est effectuée la ponte.

Parfois, les nouvelles captives pondent sur la terre, sans faire de trou ; alors les œufs ne sont pas tous pondus le même jour.

Chaque année, les œufs pondus devant nous furent déterrés ou ramassés aussitôt après la ponte et mis à part, à 8 ou 10 centimètres sous terre, dans un endroit où ils ne risquaient pas d'être détruits ; chaque ponte fut munie d'une étiquette. Soit que les œufs ne fussent pas fécondés, soit qu'ils ne fussent pas placés par nous exactement de la même façon que par la femelle, le résultat fut négatif ; aucun d'eux ne se développa. Nous pensons que le meilleur moyen pour réussir est d'entourer d'un cadre grillagé l'endroit où la ponte est déposée, après y avoir placé une étiquette et sans rien déranger ; c'est ce que nous ferons désormais.

Nos jardiniers ont plusieurs fois trouvé, en travaillant la terre, des coquilles d'œufs montrant qu'une éclosion s'était produite et des pontes contenant des fœtus, mais nous ignorions à quelle époque elles avaient été déposées. Vers la fin de mars nous ayons ouvert des œufs, probablement pondus en mai ou juin de l'année précédente, qui contenaient des fœtus à peine arrivés à la moitié de leur développement.

Le 14 septembre, nous avons examiné trente œufs pondus en juin de la même année et qui nous avaient été apportés par des cultivateurs habitant la Brenne, chez lesquels des femelles capturées fin mai avaient déposé leur ponte ; ces œufs étaient enfouis dans notre jardin depuis trois mois environ. Sur trente, deux seulement étaient fécondés et contenaient : l'un, un embryon blanchâtre dont le bouclier mesurait 12 millimètres de longueur ; l'autre, un fœtus brunâtre dont le bouclier avait 16 millimètres. Le même jour, 14 septembre, nous avons ouvert plusieurs œufs d'une ponte trouvée dans l'enclos d'un de nos voisins. D'après le propriétaire du jardin, ils auraient été pondus par une femelle capturée en avril de la même année. Vu le degré de développement des fœtus qu'ils contenaient, nous croyons plutôt qu'ils provenaient d'une autre femelle qui avait habité le même endroit l'année précédente. Les œufs étaient au nombre de neuf. Le premier contenait un fœtus bien développé, dont le bouclier mesurait 24 millimètres de longueur ; la petite masse vitelline, qui n'était pas encore absorbée, fut enlevée, ce qui n'empêcha pas la jeune Tortue de vivre assez longtemps. La pointe cornée, très dure, à extrémité blanchâtre, située au bout du museau, entre les narines et la lèvre supérieure et qui sert à percer la coquille, n'était pas encore tombée lorsque la bête mourut accidentellement en mars suivant. Dans le second œuf, nous avons trouvé un fœtus vivant très développé et n'ayant plus qu'un peu de masse vitelline à l'ombilic. Dans le troisième, nous avons rencontré un fœtus très fort, bien vivant, en compagnie d'un embryon minuscule qui ne se serait pas développé. Le fœtus contenu dans le quatrième œuf était mort récemment, mais son développement était presque terminé ; il en était de même pour celui du cinquième. Le petit du sixième œuf brisa sa coquille devant nous, et nous l'avons mis en alcool alors qu'il n'avait encore passé que la tête et les membres antérieurs. Les trois œufs qui restaient furent mis dans une cage contenant du sable légèrement humide, et enfouis à une très faible profondeur. Deux d'entre eux, qui nous semblaient légers, furent ouverts : ils n'étaient pas fécondés. C'est sur le dernier œuf de cette ponte que nous pûmes observer l'éclosion de la Cistude d'Europe.

Nous examinons notre œuf de temps à autre, et, au bout de quelques jours, le 21 septembre, nous nous apercevons que la petite Tortue a brisé une des extrémités de sa coquille ; elle sort et rentre la tête et elle ouvre les yeux ; la pointe conique est tombée, probablement au moment des efforts faits pour briser la coquille. Le 24, elle cherche à se dégager de son enveloppe et sort ses membres antérieurs ; enfin, le 26 septembre, elle est hors de sa prison et nous la trouvons sur le sable de sa cage. Elle est bien développée, il n'y a plus trace de vitellus ; l'ombilic, très large, situé à peu près vers le milieu du plastron, est fermé par une peau tendre qui s'ossifiera à la longue ; la boîte osseuse est souple, les rebords latéraux sont comprimés ; le bouclier, élevé, un peu caréné, mesure 26 millimètres de longueur et 20 de largeur ; le plastron est légèrement convexe ; la tête et les pattes sont proportionnellement plus grosses que chez les adultes, la queue plus longue ; les ongles sont déjà robustes. À sa naissance, la Tortue a la carapace trop petite pour y loger entièrement sa tête, sa queue et ses membres. Sa coloration générale est noirâtre, avec des taches jaunâtres sous les bords du bouclier et autour du plastron. Bientôt les rebords du bouclier s'élargissent, il devient moins élevé et presque aussi large que long ; le plastron est moins convexe qu'au moment de la naissance, mais il faut de longs mois pour que les os de la carapace perdent leur souplesse.

Il est bien certain que les petits contenus dans les œufs composant cette dernière ponte ne seraient sortis que quelques mois plus tard s'ils n'avaient pas été prématurément enlevés de l'endroit où la femelle les avait placés. Probablement, les fœtus les plus développés auraient brisé leur coquille en septembre ou octobre, mais, la mauvaise saison arrivant, les sujets les moins forts ne seraient éclos qu'en mars, et tous seraient sortis de terre à la fin de ce mois ou dans les premiers jours d'avril. De toutes ces observations, nous concluons que la jeune Cistude ne sort de terre qu'au deuxième printemps qui suit la ponte, c'est-à-dire après 22 ou même 23 mois.

Il est très facile d'élever les petites Tortues dans une cage munie de sable humide, de mousse et d'un petit bassin plein d'eau dans lequel on place une pierre pour faciliter la sortie des bêtes. On les nourrit de Larves du Chironome plumeux, vulgairement appelées Vers de vase, de très petits Lombrics ou de jeunes Blattes qu'on dépose dans leur bassin ; les Blattes se noient rapidement mais sont bientôt dévorées par les Cistudes.

Chez cette espèce, la croissance est extrêmement lente. C'est à peine si la carapace s'allonge et s'élargit de quelques millimètres par an. Le bouclier des jeunes Tortues élevées dans nos cages augmentait environ, chaque année, de 4 à 10 millimètres en longueur et de 3 à 9 millimètres en largeur ; les femelles, qui d'ailleurs sont de plus forte taille que les mâles, à l'état adulte, grossissent plus vite que ces derniers. Il faut donc de nombreuses années à la Cistude pour qu'elle soit en état de reproduire et encore plus pour qu'elle atteigne toute sa taille ; aussi sa longévité est-elle considérable. Nous nous souvenons d'une Tortue qui était chez nos parents depuis plus de vingt-cinq ans, qui était adulte lorsqu'elle avait été capturée et qui mourut par suite d'accident ; nous-mêmes avons gardé des individus pendant plus de quinze ans, et ces sujets, eux aussi, étaient adultes lorsque nous les avions mis dans notre jardin.

La Tortue n'inspire aucune crainte à l'Homme et c'est le seul de nos Reptiles qui ne soit pas tué par les Enfants. Les petits bergers de la Brenne la capturent souvent, lui font un trou dans le bord postérieur libre du bouclier, passent une ficelle dans le trou et attellent la pauvre bête à une pierre ou à un morceau de bois qu'ils s'amusent à lui faire traîner ; cela fait, ils lui rendent la liberté. Sur vingt sujets capturés dans un étang, il y en a bien cinq ou six dont le bord du bouclier est percé d'un ou plusieurs trous.

Quelques nomades, les pêcheurs de Sangsues par exemple, et parfois les ouvriers qui travaillent près des étangs, prennent cette espèce et la vendent aux propriétaires de jardins, chez lesquels elle rend quelques services en détruisant les Escargots et les Limaces.

 


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