BATRACIENS ANOURES

Famille des Alytidés

GENRE ALYTE, Alytes - Wagler.

Museau peu allongé ; des dents à la mâchoire supérieure et au vomer ; de très petites parotides ; peau un peu tuberculeuse en dessus, granuleuse en dessous ; quatre doigts non palmés aux membres antérieurs ; membres postérieurs peu allongés, ayant cinq orteils peu palmés.

Le mâle a les membres antérieurs plus gros que ceux de la femelle ; il n'a pas de brosses copulatrices ni de sac vocal.

9. — Alyte accoucheur, Alytes obstetricans - Laurenti.

Alyte accoucheur, Alytes obstetricans

Parties supérieures d'un brun clair cendré, avec de nombreuses marques d'un brun noirâtre ou olivâtre ; parfois quelques petites taches rougeâtres sur les parotides, le bourrelet du haut des flancs et sur les plus gros tubercules ; des sujets sont presque entièrement bruns en dessus. Parties inférieures blanchâtres, avec la peau du dessous des membres incolore. Iris doré, surtout dans sa partie supérieure ; pupille verticale. Tête et corps : 0 m. 040 ; membre postérieur : 0 m. 060. Forme trapue.

Dès la fin de février ou dans les premiers jours de mars, l'Alyte sort de sa retraite d'hiver et, lorsque la nuit arrive, il fait entendre son doux chant flûté : cloc ! cluc !

Il s'accouple de février à août et, d'après les observations de notre ami M. Héron-Royer, la femelle pond deux fois chaque année.

L'accouplement a lieu à terre, le soir ordinairement, et le mâle fixe à ses jambes les œufs de la femelle. Ces œufs ont une enveloppe transparente, souple et très résistante ; leur vitellus est d'un blanc jaunâtre. Lorsque le petit embryon se développe, on le voit fort bien à travers les enveloppes ; on aperçoit deux points noirâtres qui sont les yeux ; les branchies sont longues et rougeâtres ; puis la coloration du corps devient brunâtre. Quand la Larve sort de l'œuf, elle est déjà à la deuxième période et même à la troisième, car on voit souvent, dès le jour de la naissance, les bourgeons qui formeront les membres postérieurs.

L'accouplement terminé, le mâle, comme nous l'avons dit plus haut, fixe les œufs à ses jambes et va se cacher sous terre, dans une petite galerie oblique qu'il se creuse et qu'il habite seul ou en compagnie de quelques individus qui, eux aussi, peuvent être porteurs d'œufs : bien souvent nous en avons trouvé trois ou quatre dans le même trou ou sous la même pierre. Pendant la nuit, lorsque le temps est par trop sec, il va rafraîchir les œufs à la mare voisine. Au bout de 24 à 44 jours, selon la température, l'Alyte sent remuer autour de ses jambes les jeunes Larves retenues prisonnières dans leurs enveloppes et va porter la ponte à l'eau.

D'après M. Héron-Royer, chaque ponte comprend environ 45 œufs ; d'après le Dr Fatio, 40 à 60. Nous avons compté de 35 à 55 œufs chez les pontes provenant de vieilles femelles, et de 14 à 20 chez celles pondues par des jeunes. Nous avons pris dans notre jardin, le 17 mai, un mâle portant une énorme ponte de 155 œufs.

Cette espèce est très commune dans l'Indre, où on la trouve dans tous les endroits cultivés. Pendant toute l'année, on rencontre son Têtard dans les mares, les fossés et les grands réservoirs des fontaines. Les Larves nées au printemps ou au commencement de l'été arrivent à l'état parfait en moins de trois mois ; celles qui naissent à la fin de l'été ou au début de l'automne restent à l'état larvaire jusqu'au printemps suivant. La Larve de cet Anoure est énorme, et peut atteindre 86 à 87 millimètres de longueur ; nous avons pris souvent des exemplaires de cette taille.

Au moment de la sécheresse, l'Alyte se tient dans les endroits frais ; mais, s'il survient de fortes pluies, la trop grande humidité le gêne et il va se cacher dans les endroits moins exposés à l'eau, sous les pierres, les tas de bois, dans les trous des vieux murs. C'est le soir et la nuit qu'il sort de son trou et chasse les Insectes, les Mollusques et les Vers.

Aux premiers froids, il se terre profondément dans un endroit bien abrité, ou bien encore il se cache dans les caves des vieilles ruines et sous les grands amas de détritus ; il passe dans cet abri la plus grande partie de l'hiver.

Le chant de ce Batracien ressemble, lorsqu'il est produit par une nombreuse société, à un carillon de clochettes n'ayant pas toutes le même son ; cette différence des sons donne une certaine harmonie aux voix d'une réunion d'Alytes, et bien des fois nous avons écouté avec satisfaction, pendant les belles nuits de printemps et d'été, les tintements délicats de ces chanteurs nocturnes.

Métamorphoses. — Les Alytes mâles qui se sont accouplés dans nos cages ont porté les œufs de leurs femelles pendant des périodes variant de 40 à 44 jours. À l'état libre, l'incubation dure moins longtemps, car le mâle peut, à sa volonté, choisir des endroits dont la température et le degré d'humidité soient très favorables au développement de la ponte qu'il porte.

Le 6 mai 1892, nous prenons dans notre jardin un mâle porteur d'œufs sur le point d'éclore, et ce même jour, à onze heures du matin, nous plaçons la ponte dans une cuvette pleine d'eau. Les premiers Têtards percent leurs enveloppes et sortent de l'œuf à onze heures et demie ; à une heure de l'après-midi, vingt et un ont quitté leur prison ; un autre, retenu au passage des enveloppes, a été étranglé. Le vingt-troisième Têtard sort à quatre heures, le vingt-quatrième à six heures, les vingt-cinquième et vingt-sixième pendant la nuit. Le 7 mai, il ne reste plus dans la ponte que deux Têtards, l'un mort, l'autre n'étant pas encore en état de sortir ; le 9 mai, ce dernier avait une partie du corps hors de l'œuf et allait périr, lorsque nous l'avons délivré. À sa sortie de l'œuf, la Larve de l'Alyte a 15 millimètres de longueur ; elle est brune en dessus, avec des endroits plus foncés ; les yeux, la bouche, l'anus, les viscères sont formés, elle a des branchies internes, son spiraculum est ouvert sur le milieu de la poitrine ; la nageoire caudale est bien développée et on aperçoit les bourgeons qui formeront les membres postérieurs. Le petit être est vif, nage avec rapidité et peut brouter les plantes aquatiques ; dès le lendemain de sa naissance, il a 20 millimètres de longueur. Le 21 mai, les plus fortes Larves ont 32 millimètres. Le 31 mai, elles ont 48 millimètres ; elles sont brunes en dessus, de coloration cuivrée en dessous, le raphé médian est très apparent et a une teinte métallique ; la nageoire caudale est piquetée de très petits points noirs ; les membres postérieurs se développent et on commence à apercevoir les bourgeons qui formeront les orteils. Le 10 juin, elles ont 56 millimètres ; les membres postérieurs allongent. Le 20 juin, elles ont 60 millimètres ; elles sont brunâtres en dessus et marquées de points noirâtres ; leur nageoire est maculée de taches noires ; leurs membres postérieurs sont presque entièrement formés. Le 30 juin, dix-sept Têtards vivent encore ; depuis l'éclosion, deux ou trois sont morts, d'autres ont été tués pour nos études. Sept Larves sont à la troisième période et ont environ 61 millimètres. Dix Larves sont à la quatrième période ; une raie formée de points jaunâtres se montre sur les côtés de la tête et le haut des flancs, mais on ne peut la confondre avec les dessins de la Larve du Pélodyte ; chez deux de ces bêtes, la queue commence à se résorber ; le raphé médian disparaît ; elles deviennent d'un brun grisâtre en dessus. Nous mettons ces dix Larves à la quatrième période dans le petit bassin d'une cage ; quelques jours après elles sortent de l'eau, ayant encore un petit bout de queue, et, le 10 juillet, quatre d'entre elles sont à l'état parfait et n'ont plus d'appendice caudal ; des points d'un rouge brique se montrent sur les parotides et les flancs ; les jours suivants les autres Larves se transforment. Le 10 juillet, les Têtards qui étaient à la troisième période le 30 juin sont à la quatrième période ; le plus long a 63 millimètres. Le 15 juillet, il n'y a dans l'eau que deux Larves dont la queue est à moitié résorbée ; il n'en reste plus qu'une le 20. Cette dernière quitte l'eau le 22 juillet ; nous la mettons en cage, et le 26 du même mois elle est à l'état parfait. Au moment de sa transformation, le jeune Alyte a 18 ou 20 millimètres du museau à l'anus.

Le 25 mai 1892, à midi, un de nos mâles adultes captifs, porteur d'œufs, est mis dans un aquarium ; il se place sur le rocher, la tête seule hors de l'eau. À midi et demi, le premier Têtard sort de l'œuf ; à midi cinquante-cinq, l'Alyte fait de violents efforts et dégage de la ponte une de ses jambes ; dix minutes après, il délivre son autre patte en s'aidant du membre déjà libre. À ce moment, les deux tiers environ des Têtards sont sortis de l'œuf et n'ont pas attendu la délivrance de leur père pour conquérir leur liberté ; à deux heures et quart, trente-huit Larves sont hors de l'œuf ; six sont mortes et restent sous leur enveloppe. Ces Têtards arrivent à l'état parfait du 31 juillet au 18 août.

Nous avons remarqué, dans nos bassins où depuis quelques années nous avons élevé bon nombre de Larves d'Alyte, que les Têtards de certaines pontes, lorsqu'ils étaient à la fin de la troisième période et à la quatrième, portaient un petit point blanc jaunâtre entre les yeux ; pendant le cours de la quatrième période ce point brillant s'atténue et finit par disparaître.

Dans certaines mares contenant de l'eau trouble, les Têtards d'Alyte ont une teinte très pâle.

** Le Discoglosse à oreilles (Discoglossus auritus - Héron-Royer) [Discoglosse peint, Discoglossus pictus ssp. auritus] a été acclimaté en France par notre ami M. Héron-Royer.

Cette magnifique espèce, aux brillantes couleurs, est commune au Maroc, en Algérie et en Tunisie.

Les Discoglosses qui nous ont été donnés il y a quelques années par M. Héron-Royer ont reproduit dans les bassins de nos jardins, et en 1892 et 1893 nous avons mis en liberté, près d'Argenton, plusieurs milliers de jeunes sujets. Les naturalistes qui, plus tard, rencontreront cette espèce dans notre département, se trouveront en présence des descendants de nos élèves.

Signalement : parties supérieures d'un brun plus ou moins foncé avec des marques noires variant à l'infini ; chez beaucoup de sujets, on voit des bandes d'un brun jaunâtre sur le dos et les flancs. Parties inférieures blanchâtres. Taille : 0 m. 06 du museau à l'anus ; 0 m. 10 de l'anus à l'extrémité des orteils. La forme du Discoglosse se rapproche de celle des Grenouilles ; il est agile et peu pustuleux ; son chant est un roulement peu bruyant.

Nous ne savons si, en général, les mâles de cette espèce sont plus gros que les femelles ; mais, à l'inverse des Batraciens de nos pays, nos Discoglosses mâles étaient toujours de plus forte taille que leurs femelles.

 


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