MAMMIFÈRES

Ordre IV. — Carnivores

Les Mammifères de cet ordre ont une mâchoire puissante armée de canines très développées et de molaires plus ou moins tranchantes ; ils ont les incisives petites. Les uns sont semi-plantigrades, les autres digitigrades ; quelques espèces ont les ongles rétractiles. Ils ont quatre ou cinq doigts à chaque pied.

La chair des autres animaux compose leur principale nourriture ; certaines espèces, le Blaireau et la Marte par exemple, mangent aussi des fruits.

Famille des Mustélidés

GENRE BLAIREAU, Meles - Brisson.

Tête de moyenne grosseur, museau assez allongé ; yeux petits ; oreilles peu développées, arrondies ; corps allongé ; membres courts et forts, armés d'ongles longs et robustes ; marche semi-plantigrade ; queue courte.

36. — Blaireau commun, Meles taxus - Schreber.

Blaireau européen, Meles meles

Corps couvert de poils longs et durs, blancs à leur base, noirs dans leur tiers supérieur et blancs à l'extrémité ; sous ces poils se trouve une fourrure grossière de couleur blanche. Membres, dessous de la gorge, du cou et de la poitrine noirs ; tête blanche, avec une large bande noire de chaque côté ; oreilles noires, bordées de blanc sur leur bord interne ; pelage de la queue moins foncé que celui du corps. Une poche placée sous la queue répand une odeur désagréable. Tête et corps : 0 m. 76 ; queue : 0 m. 17.

Le Blaireau est très commun dans le département. Il habite les bois, les vignes où se trouvent des carrières crevassées, et les coteaux couverts de rochers où il rencontre des cavités profondes et saines. Fouisseur de premier ordre, il se creuse de longs terriers, au besoin s'empare de ceux des Lapins, les agrandit pour son usage et tapisse sa couche d'herbes et de feuilles sèches. Il y vit seul ou en compagnie de sa femelle ; parfois les grands terriers sont occupés par plusieurs couples. Nous supposons qu'il est monogame, car on rencontre souvent, en toutes saisons, le mâle et la femelle de compagnie ; sur une centaine de Blaireaux que nous avons observés, il y avait à peu près nombre égal de mâles et de femelles.

En décembre, janvier ou février, la femelle met bas quatre ou cinq petits.

Le Blaireau est omnivore et se nourrit d'Insectes, Vers, Reptiles, Oiselets, œufs de Perdrix et d'Oiseaux qui nichent à terre ; il dévore aussi les jeunes Lièvres, les jeunes Lapins et les petits Rongeurs, mais préfère les fruits sans dédaigner les racines et les graines. Tel Blaireau, tué un matin de juin, avait dans l'estomac un kilogramme de cerises, cinquante Gryllus campestris, un Mulot et un Lézard ; tel autre, en août, avait dévoré une Vipère, une Souris et une forte quantité de raisin ; tel autre avait l'estomac rempli de fraises, avec quelques fragments de Vers de terre. Après avoir fureté toute la nuit à la recherche de sa nourriture, il rentre en son terrier le matin de très bonne heure et n'en ressort que le soir à la nuit close.

On le chasse à l'aide de Chiens terriers qui vont l'attaquer dans sa demeure et on s'en empare en démolissant le terrier, si la chose est possible. Attaqué par les Chiens, il se défend avec une extrême vigueur, se servant avec rage de ses ongles énormes et de sa mâchoire puissamment articulée et bien armée. On le tue au fusil, à l'aide de Chiens courants devant lesquels il fuit lourdement, lorsqu'on a la chance de le rencontrer hors de son trou, ce qui est rare pendant le jour. Très défiant à l'instant de la sortie et de la rentrée au terrier, il devient, une fois en quête, assez peu craintif, marche avec grand bruit et s'arrête, comme étonné, devant l'Homme. Il semble ne redouter le piège ou l'affûteur qu'autour de sa retraite. Aussi la façon de l'observer et de le tirer de beaucoup la plus facile est-elle une sorte d'affût mobile : le chasseur se rend au bois au crépuscule, suit les Blaireaux au bruit qu'ils font dans les taillis et les aperçoit souvent, au clair de lune, traverser les allées à quelques pas de lui, posément et sans s'effrayer.

Nous avons eu bien souvent des Blaireaux en captivité mais comme nos sujets avaient tous été pris alors qu'ils étaient adultes ou âgés de quelques mois, ils montrèrent toujours un caractère exécrable.

GENRE MARTE, Martes - Ray. Mustela - Linné.

Tête assez large ; museau de moyenne longueur ; yeux de moyenne grandeur ; oreilles courtes et arrondies ; corps allongé ; queue longue ; membres plutôt courts, armés d'ongles aigus et recourbés ; marche semi-plantigrade, presque digitigrade.

La fourrure des Mammifères de ce genre a une assez grande valeur. Elle se compose de poils longs et fins, de couleur brune, sous lesquels on trouve d'autres poils très fins et très serrés, de couleur ordinairement plus claire.

37. — Marte fouine, Martes foina - Gmelin.

Fouine, Martes foina

Tête et corps bruns, avec les membres un peu plus foncés ; gorge, dessous du cou et partie antérieure de la poitrine d'un blanc pur ; queue garnie de poils longs, d'un brun très foncé. Tête et corps : 0 m. 48 ; queue : 0 m. 25.

Très commune, la Fouine vit isolée ou par couple, dans les greniers des fermes et des villages, les arbres creux, les cavernes et les fentes de rochers. On la trouve jusque dans l'intérieur des petites villes. Elle chasse la nuit et se nourrit d'Oiseaux, de petits Mammifères, de volailles et d'œufs ; elle s'introduit même dans les jardins pour y manger les fruits. Très agile, elle grimpe facilement aux arbres et aux murailles.

On la prend à l'aide de pièges amorcés d'un œuf ou d'une pomme ; on la chasse aussi au fusil, à l'affût, ou à l'aide de Chiens courants. Poursuivie, elle grimpe sur un arbre, se fourre dans une cavité, se dissimule sur une branche très élevée ou dans un vieux nid de Pie, quelquefois dans un trou de Renard ou de Lapin.

C'est en avril, mai ou juin que la femelle met bas deux à cinq petits, sur un nid de mousse, de feuilles et d'herbes, établi dans un grenier, un arbre creux ou un tas de fagots.

Une Fouine presque entièrement blanche a été tuée dans les bois de Thenay.

38. Marte vulgaire, Martes vulgaris - Griffon.

Martre des pins, Martes martes

Tête, corps, membres et queue d'un brun foncé ; gorge, dessous du cou et partie antérieure de la poitrine d'un jaune clair orangé. Les poils de la queue sont plus longs que chez la Fouine, les pieds plus velus en dessous, les membres plus robustes. Tête et corps : 0 m. 48 à 0 m. 50 ; queue : 0 m. 26.

La Marte n'est pas très rare dans les forêts de l'Indre. Elle ne se rapproche guère des habitations, demeure dans les endroits les plus sauvages, passe la journée dans un fourré de brandes ou une cavité d'arbre. La nuit venue, elle chasse aux Oiseaux, aux petits Mammifères et recherche le miel et les fruits ; nous avons trouvé dans l'estomac d'une Marte des Mulots et des fragments de pommes. Plus arboricole que la Fouine, elle grimpe avec agilité.

Elle vit ordinairement par couple, mais, après l'époque des amours, le mâle abandonne parfois la femelle pour vivre solitaire. C'est le plus souvent dans un arbre creux que la femelle met bas trois à cinq petits, en avril ou mai.

Notre ami, le Dr Trouessart, cite le cas de Martes à poitrine blanche et suppose l'accouplement des deux espèces ; or, nous avons remarqué des Martes à pelage plus clair que la robe ordinaire des Fouines, alors que, de règle, la Marte est d'un brun plus foncé. Il y a donc souvent un mélange de caractères distinctifs de deux espèces pourtant franchement séparées.

Tous les ans on tue quelques Martes dans les grands bois d'Oulches, de Bélâbre, des environs d'Argenton et de Châteauroux.

Nous avons acheté à Châteauroux une Marte de couleur isabelle, probablement tuée dans les environs.

GENRE PUTOIS, OU BELETTE, Mustela - Linné.

Tête et queue un peu plus courtes que dans le genre précédent ; oreilles courtes et arrondies ; yeux de moyenne grandeur ; corps très allongé ; membres courts ; marche presque digitigrade. Les femelles sont ordinairement plus petites que les mâles.

39. — Belette commune, Mustela vulgaris - Brisson.

Belette d’Europe, Mustela nivalis

D'un brun roux, avec la gorge, la poitrine, le ventre et la partie interne des membres antérieurs blancs. Tête et corps : 0 m. 20 ; queue : 0 m. 06.

Extrêmement commune partout. On trouve la Belette principalement dans les fortes haies, les ronciers, les tas de pierres, même aux environs des fermes dans lesquelles elle pénètre pour y poursuivre les Souris et les Rats. Très courageuse, elle attaque le Lapin et le Lièvre qu'elle parvient à terrasser. Elle chasse aussi bien le jour que la nuit, visite les terriers des Mulots et des Campagnols, massacre les habitants, les emporte dans son trou et les dévore en deux ou trois jours ; on reconnaît l'endroit qu'elle a choisi pour y entasser ses provisions, par les nombreux excréments qu'on trouve près du trou, et, si on explore la cavité, il n'est pas rare d'y rencontrer les cadavres frais de huit ou dix petits Rongeurs. Elle visite aussi les galeries des Taupes ; elle mange les Oiseaux, les Grenouilles et des quantités de Lézards. Lorsque la neige couvre la terre, elle s'approche des lacets tendus par les oiseleurs et vole les Alouettes qui y sont prises ; il arrive parfois qu'elle s'empêtre dans les boucles de crin et elle est bientôt victime de son audace.

En mai ou dans les premiers jours de juin, la femelle met bas trois à six petits, ordinairement dans un arbre creux. On la prend au piège ; sa fourrure n'a aucune valeur. Nous possédons deux sujets albinos, l'un tué à Saint-Gaultier, l'autre près de Châteauroux.

40. — Belette hermine, Mustela herminea - Linné.

Hermine, Mustela erminea

Pelage d'été : d'un brun un peu moins roux que chez l'espèce précédente, avec la gorge, la poitrine, le ventre et la partie interne des membres antérieurs blancs ; le bout de la queue est noir.

Pelage d'hiver : blanc, sauf le bout de la queue qui reste noir. Tête et corps : 0 m. 28 ; queue : 0 m. 12.

Sur une centaine d'Hermines examinées pendant la saison des froids, nous n'en avons trouvé que deux dont la robe était entièrement immaculée ; ordinairement quelques poils bruns forment de très petites taches, principalement sur la face ; nous ne parlons pas de l'extrémité de la queue, qui, comme nous l'avons dit, reste toujours noire.

L'Hermine n'est pas rare aux environs d'Argenton, mais elle est beaucoup moins commune que la Belette. On la trouve dans les taillis rocailleux, les haies larges et touffues, parfois même, comme l'espèce précédente, dans les tas de cailloux déposés sur les bords des routes. Elle s'introduit dans les greniers des fermes et des villages pour y donner la chasse aux petits Rongeurs. Elle se nourrit de Mammifères, d'Oiseaux, de Lézards, elle aime aussi les œufs, mais ne recherche guère les volailles adultes, bien qu'elle attaque des animaux plus difficiles à capturer, le Lapin et le Lièvre par exemple. Aux Lapins surtout elle fait une guerre implacable, à tel point qu'elle les détruit presque entièrement en certains endroits ; puis, une fois les Rongeurs exterminés, l'Hermine émigre et se fait plus rare.

La femelle met bas, en avril ou mai, cinq à six petits ; elle choisit souvent un arbre creux pour y déposer sa progéniture.

On la capture à l'aide de pièges ; sa fourrure d'hiver a une très grande valeur.

La taille de cette espèce augmente à mesure qu'on s'avance vers le nord de la France : M. L. Ducluzeau, capitaine au 21e Dragons, à Saint-Omer, nous a envoyé un sujet beaucoup plus fort que les nombreux adultes que nous avons observés dans l'Indre.

41. — Putois commun, Mustela putorius - Linné.

Putois d’Europe, Mustela putorius

Pelage composé d'assez longs poils noirs laissant apercevoir une fourrure jaunâtre, principalement sur le dos et les flancs ; oreilles bordées de blanc ; une grande tache blanchâtre entre l'œil et l'oreille ; une bande blanche entoure les lèvres et s'élargit un peu de chaque côté du nez et sous le menton.

Des glandes situées près de l'anus répandent une odeur infecte. Tête et corps : 0 m. 40 ; queue : 0 m. 17.

Commun dans les greniers des fermes, les bois, les contrées couvertes de rochers et les carrières abandonnées. Le mâle et la femelle vivent ensemble pendant la plus grande partie de l'année.

C'est surtout la nuit que le Putois sort de l'arbre creux, du trou de rocher ou du terrier de Lapin qui lui sert de demeure, pour aller à la recherche des Rongeurs, Oiseaux, Grenouilles et même Mollusques aquatiques qui composent sa nourriture. Il s'introduit dans les poulaillers pour y manger les œufs dont il est très friand.

En mai, juin ou juillet, la femelle fait de quatre à sept petits dans un tas de fagots, un arbre creux ou un terrier.

On s'empare du Putois à l'aide de pièges et sa fourrure a une certaine valeur.

En captivité, il conserve son naturel farouche. Nous avons élevé un mâle pris très jeune que nous n'avons jamais pu dompter ; il se jetait sur quiconque se présentait devant lui, même sur la personne qui d'habitude lui portait sa nourriture.

Un putois ayant la tête blanche a été tué dans les bois de Luant.

42. — Putois vison, Mustela lutreola - Linné.

Vison d’Europe, Mustela lutreola

Très brun, la queue presque noire ; une bande blanche autour de la bouche, cette bande s'élargissant un peu de chaque côté du nez et sous le menton ; pieds demi-palmés. Le pelage de cette espèce se rapproche beaucoup de celui de la Loutre. Il est impossible de confondre le Vison avec le Putois commun. Il sent aussi mauvais que ce dernier.

Tête et corps : 0 m. 33 ; queue : 0 m. 14.

Le Vison est un Putois adapté à la vie aquatique. On le tire de temps en temps le long des étangs, surtout dans les marais entourés de bois épais. Il nage et plonge à la perfection et s'il est inquiété se jette immédiatement à l'eau, à la manière de la Loutre, tandis, que le Putois commun hésite et préfère se cacher dans les buisson. Nous l'avons observé et tué aux étangs des Héraudins, de Fontenette et de la Mer-Rouge. Assez commun en Brenne, il est beaucoup plus rare dans les autres contrées du département ; dernièrement, on a tué un sujet dans un bois des environs d'Argenton. Il existe aussi dans la Vienne et le Loir-et-Cher.

D'après le Dr Trouessart, le Vison se nourrit de Poissons, Grenouilles, Écrevisses et Rats d'eau. Il se creuse une sorte de terrier entre les racines des arbres qui baignent dans les rivières ou les étangs, ou bien encore il habite quelque vieil arbre creux des rives. La femelle met bas, au printemps, de quatre à cinq petits. La fourrure du Vison a plus de valeur que celle du Putois commun.

GENRE LOUTRE, Lutra - Brisson.

Tête large ; oreilles très petites et arrondies ; yeux plutôt petits ; museau assez court et très large ; corps long ; membres courts ; pieds palmés ; ongles peu recourbés ; marche semi-plantigrade ; queue longue, robuste, large à sa base.

43. — Loutre vulgaire, Lutra vulgaris - Erxleben.

Loutre d’Europe, Lutra lutra

Parties supérieures et queue brunes ; gorge, joues et museau grisâtres ; poitrine et ventre d'un brun grisâtre. Tête et corps : 0 m. 80 ; queue : 0 m. 40.

Commune aux environs d'Argenton et du Blanc, sur la Creuse, la Bouzanne et l'Anglin, bien plus commune encore aux pays d'étangs où elle capture si aisément les Carpes et les Brochets. En quête d'une proie, elle s'aventure jusque dans l'intérieur des villes : un chasseur a tué deux Loutres, la même nuit, sur la Creuse, en pleine ville d'Argenton. Elle s'introduit dans les grandes nasses pour y voler le Poisson, mais lorsque l'engin de pêche est solide elle se trouve prise et meurt asphyxiée ; plusieurs fois on nous a apporté des Loutres qui avaient péri de la sorte. Les Loutres de rivière ont parfois un terrier à deux ouvertures dont l'une donne sous l'eau ; celles qui habitent les vastes marais n'ont pas de trou. De même que les premières sortent rarement le jour, la Loutre d'étang fait, dans la journée, sa sieste sur une motte herbue où on peut la surprendre surtout par un temps chaud. Elle nage avec rapidité et peut rester plusieurs minutes sous l'eau. Elles semble vivre principalement de Poissons, qu'elle chasse dans nos marais et rivières ; une fois la proie saisie, elle va la dévorer sur le rivage prochain. Très nomade, elle change souvent de domicile et si, dans ses excursions, elle rencontre de jeunes Oiseaux ou de jeunes Lièvres, elle fait son possible pour s'en emparer.

On nous a apporté ses petits pendant la belle saison et aussi pendant la mauvaise. On croit qu'elle fait deux portées par an ; elle met bas deux ou trois petits par portée. Le 31 décembre 1892, un de nos amis, M. Picaud, a trouvé, sur l'étang de la Feuillée, près Tendu, deux très jeunes Loutres au nid. La mère avait fait ses petits sur une grosse motte creusée par elle, et elle les avait recouverts d'une grande quantité d'herbes aquatiques ; la motte était entourée d'eau, l'étang était gelé, et la femelle avait fait un trou dans la glace, tout près du nid ; c'est par là qu'elle disparut.

On prend la Loutre au moyen de pièges à planchette habilement tendus sur son passage ; on la tue à l'affût ou bien à l'aide de Chiens courants dressés pour cet usage, mais ce dernier genre de sport paraît inconnu dans le département. Sa fourrure est très belle et très recherchée.

En captivité elle devient familière et peut se dresser à la pêche.

Une Loutre albinos a été vue maintes fois sur un petit cours d'eau des environs d'Orsennes, mais il a été impossible de la tuer.

 


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