REPTILES 

Ordre III. — Ophidiens

Les Ophidiens n'ont pas de paupières mobiles. Leur langue est longue, bifide ; leurs dents sont aiguës et recourbées. Ils ont le corps très long, ordinairement cylindrique, et la queue plus ou moins allongée. Ces Reptiles n'ont pas de membres ; ils se déplacent en rampant. Ils sont couverts d'une peau écailleuse dont l'épiderme est caduc et se détache le plus souvent d'une seule pièce. Ils sont ovipares ou ovovivipares.

Les mâles ont des formes plus sveltes que les femelles ; la base de leur queue est un peu plus large que chez ces dernières.

Les grandes écailles transversales du dessous du corps sont appelées gastrostèges ; celles du dessous de la queue, urostèges. Leur nombre peut varier légèrement chez les individus appartenant à la même espèce.

Sous-ordre des Aglyphodontes

Les Reptiles de ce sous-ordre n'ont pas d'appareil venimeux ; leur morsure n'offre aucun danger. Les Aglyphodontes de l'Indre appartiennent à la division des Eurystomes ; ils ont la bouche très extensible.

Famille des Isodontidés

GENRE ÉLAPHE, Elaphis - Duméril et Bibron.

Tête relativement petite, portant de grandes plaques ; pupille ronde ; cou peu distinct ; corps très long, cylindrique ; queue longue, conique. Écailles lisses, parfois très légèrement carénées sur les parties supérieures du corps.

7. — Élaphe ou Couleuvre d'Esculape, Elaphis æsculapii - Duméril et Bibron.

Couleuvre d'Esculape, Elaphe longissima

Parties supérieures d'un brun foncé noirâtre, moins sombres vers la partie postérieure de la tête et sur les côtés du cou. Parties inférieures entièrement d'un beau jaune clair. Les écailles du dessus du corps et celles des flancs portent presque toutes un ou deux points blancs qui se voient très bien lorsque la peau est distendue ; sur les flancs, ces points blancs sont très apparents et forment comme une série de lignes blanchâtres lorsque le Reptile fait certains mouvements. Gastrostèges : 218 à 225 ; urostèges : 83 paires. Longueur totale : 1 m. 40.

Les jeunes sujets ont une coloration un peu moins foncée en dessus.

Cette espèce semble localisée, car dans l'Indre nous ne l'avons trouvée qu'aux environs de Cuzion, de Gargilesse, du Pin et de Ceaulmont, où elle est commune sur les côtes abruptes et sauvages qui bordent la rivière la Creuse.

Beaucoup de naturalistes disent que la Couleuvre d'Esculape a probablement été acclimatée en France par les Romains et qu'on ne trouve ce Reptile que près des ruines datant de l'époque de leur puissance. Nos observations sont en contradiction absolue avec cette supposition, car l'Esculape n'existe pas aux environs d'Argenton et de Saint-Marcel. L'Argentomagus des Romains était une ville importante située sur l'emplacement de Saint-Marcel et du faubourg Saint-Étienne ; on a trouvé là les débris d'anciens cirques et de bains luxueux. Les rives accidentées et broussailleuses de la Creuse auraient pu abriter parfaitement cette Couleuvre et la conserver jusqu'à nos jours ; malgré nos recherches, il nous a été impossible de la rencontrer dans la contrée, et nous pouvons affirmer qu'elle n'y existe pas ; on ne trouve les premiers sujets qu'aux environs du village du Pin, à 11 kilomètres en amont d'Argenton. Elle est abondante à Cuzion, Gargilesse et Ceaulmont où on ne trouve nul vestige de l'occupation romaine, la forteresse de Châteaubrun, près Cuzion, et le château de Gargilesse étant d'origine beaucoup plus récente.

La première Couleuvre d'Esculape que nous eûmes en notre possession nous avait été donnée par M. Pierre Tardivaux, professeur au collège de Lourdoueix-Saint-Michel, qui l'avait capturée aux environs de Gargilesse, dans le bois de Renault, sur la rive gauche de la Creuse. Nous avons pris cette espèce plusieurs fois au Cerisier, entre Gargilesse et Cuzion, sur la rive droite de la rivière. Enfin le fermier de Renault nous apporte chaque année de beaux sujets vivants qu'il capture en mai, juin, juillet et août, mais surtout aux époques où on coupe les foins et les céréales. L'Élaphe est assez facile à prendre dans un champ ; mais si le sujet qu'on poursuit gagne un fort buisson ou un bois, il se déplace alors avec une agilité surprenante et il est bien difficile de s'en emparer.

Cette Couleuvre paraît plus tard que nos autres Ophidiens et se retire dans son domicile dès les premiers froids ; elle habite les arbres creux et les crevasses des rochers. Elle grimpe aux arbres et aux buissons pour chasser les jeunes Oiseaux et pour dévaster les nids. Sa principale nourriture se compose de Mulots et de Campagnols, peut-être aussi mange-t-elle parfois des Lézards.

Elle est connue à Gargilesse sous le nom de Serpent noir, à cause de la couleur noirâtre de ses parties supérieures, et les habitants de ce village nous ont dit qu'elle aimait à se cacher dans les lierres touffus qui entourent les vieux arbres.

Le 25 juin 1890, on nous a apporté une femelle de 0 m. 90 de longueur, capturée près de Cuzion. Elle avait dans le corps 6 œufs beaucoup plus gros que ceux du Tropidonote à collier et qui auraient été pondus en juillet ; cette bête était loin d'avoir atteint toute sa taille, puisque nous avons eu des femelles de 1 m. 40. Il est certain que les femelles bien adultes doivent pondre un plus grand nombre d'œufs, 12 à 20 d'après le Dr Fatio. Le 18 juillet 1892, nous avons ouvert une seconde femelle mesurant 1 m. de longueur, capturée près du bois de Renault ; cette bête avait pondu, car en visitant ses organes, nous n'avons trouvé que de très petits œufs qui ne se seraient développés que l'année suivante ; son tube digestif contenait des débris de Campagnols. Le fermier qui cultive le domaine de Renault depuis vingt-cinq ans, n'a jamais trouvé les œufs de cette espèce dans les fumiers ; il est probable qu'elle pond dans des trous de terre ou sous les amas de rochers, dans les endroits bien exposés. Près du village du Pin, des femelles sont venues pondre dans un fumier situé à une petite distance d'une ferme ; cette année-là, le propriétaire a tué plusieurs Élaphes dans le champ où était déposé le fumier ; l'excavation dans laquelle les œufs étaient cachés était énorme.

La Couleuvre d'Esculape possède près de l'anus des glandes qui sécrètent un liquide épais, d'un jaune foncé et d'une odeur fade ; cette odeur est moins désagréable pourtant que celle que répand le Tropidonote à collier.

En captivité, elle conserve pendant quelque temps son naturel farouche, mais elle finit ordinairement par s'apprivoiser ; un de nos amis, M. Maurice Chenou, a eu une Couleuvre de cette espèce qui était devenue assez docile. Les nôtres ont toujours montré un caractère craintif pendant les premiers jours de leur réclusion ; elles cherchaient parfois à nous mordre et, si nous les saisissions par la tête, elles s'enroulaient rapidement autour du poignet qu'elles serraient violemment ; nous avons pu ainsi nous rendre compte que l'Esculape avait une force musculaire beaucoup plus puissante que le Tropidonote à collier ; elle est aussi plus agile que ce dernier.

 


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