REPTILES OPHIDIENS

Famille des Syncrantéridés

GENRE TROPIDONOTE, Tropidonotus - Duméril et Bibron.

Tête proportionnellement un peu plus large que chez le genre précédent, portant de grandes plaques ; pupille ronde ; cou assez distinct ; corps très long, moins cylindrique que chez l'Élaphe ; queue allongée, conique. Écailles carénées sur les parties supérieures du corps, moins carénées sur la queue.

8. — Tropidonote à collier, Tropidonotus natrix - Duméril et Bibron.

Couleuvre à collier, Natrix natrix

Parties supérieures d'un brun cendré plus ou moins foncé et parfois légèrement verdâtre ; un collier jaune clair sur l'occiput, suivi de deux grandes taches noires. Des taches noires sur les côtés de la tête et sur le cou, le tronc et la queue ; sur la queue, ces taches sont très petites ; elles sont assez grandes sur les flancs. Parties inférieures jaunes sous la tête et la gorge ; jaunes et noirâtres sous le cou, le tronc et la queue. Gastrostèges : 168 ; urostèges : 45 paires. Longueur totale : 1 m. à 1 m. 50.

Ce Tropidonote, appelé aussi Couleuvre à collier, est très commun partout ; il paraît dès les premiers jours de mars, lorsque la température est favorable. Il fréquente les bords des étangs, des mares, des rivières, et on est certain de le trouver près des endroits où il y a de l'eau ; il nage et plonge parfaitement, mais dans l'élément liquide il est moins agile que le Tropidonote vipérin. Pendant les beaux jours, il est très actif ; on le voit à chaque instant traverser lestement les sentiers des bois, se faufiler dans les joncs d'un étang ou dans les herbes d'une mare. Il ne grimpe pas avec l'aisance de l'Élaphe ; nous l'avons pourtant capturé plusieurs fois sur des haies élevées où, d'habitude, il reste immobile, pensant n'être pas aperçu.

La Couleuvre à collier s'accouple en avril, pond en juin ou dans les premiers jours de juillet, et dépose ordinairement ses œufs dans les fumiers.

Elle s'introduit dans un fumier, se roule sur elle-même jusqu'à ce qu'elle ait formé, par de violents efforts, une chambre assez spacieuse pour contenir sa ponte, et elle évacue ses œufs en les plaçant les uns sur les autres. Les œufs, d'un blanc mat, à enveloppe souple et parcheminée, plus ou moins allongés, mesurent de 25 à 33 millimètres de longueur, se collent les uns aux autres, non en chapelets, mais pêle-mêle, soit par les bouts, soit par les côtés, formant ainsi des masses irrégulières composées de deux à quarante œufs ; quelques œufs, provenant du début ou de la fin de la ponte, sont isolés. Presque toujours plusieurs femelles se réunissent au même endroit pour y effectuer leur ponte, car nous avons trouvé 332 œufs dans le même coin d'un fumier ; ils formaient plusieurs paquets, et chaque paquet était ordinairement composé de la ponte d'une femelle. Cette Couleuvre pond de 11 à 48 œufs, selon sa taille ; c'est en ouvrant de nombreuses femelles, peu de jours avant la ponte, que nous avons pu connaître la quantité d'œufs pondus chaque année par cette espèce, et le nombre de 48 n'est pas accidentel puisque, plusieurs fois, nous en avons compté de 40 à 48 bien développés dans des femelles de très grande taille.

Elle pond aussi dans les petites excavations du sol et nous avons trouvé ses œufs jusque dans les banquettes qui bordent les routes, entre la chaussée et le fossé, dans des endroits où, pendant la sécheresse, il y a peu d'humidité, ce qui n'empêche pas les œufs d'éclore aussi bien que dans les fumiers chauds et humides. Tout près de ces œufs, nous avons souvent rencontré des quantités de vieilles coques provenant des pontes des années précédentes. Là encore nous avons pu nous rendre compte que plusieurs femelles pondaient dans le même endroit, car des cultivateurs nous ont dit que l'année précédente ils avaient détruit plusieurs centaines d'œufs de Serpents dans la même banquette et qu'ils avaient tué en même temps dans ces trous, près des œufs, plusieurs Couleuvres à collier et d'autres Reptiles qui ressemblaient à des Vipères. Les Ophidiens qu'ils prenaient pour des Vipères étaient certainement des Couleuvres vipérines, car l'espèce est commune dans cet endroit situé à proximité d'un étang ; il peut donc se faire que la Vipérine aille déposer ses œufs dans les mêmes trous que la Couleuvre à collier. Plusieurs fois nous avons eu connaissance de Serpents tués près de leurs œufs ; il y aurait alors une sorte de protection exercée par les femelles pour défendre leur progéniture pendant la période embryonnaire ; pourtant, les œufs étant toujours bien cachés ne peuvent être détruits que par les Belettes ou les Rats, ces derniers étant nombreux dans les greniers des fermes, et on sait que la Couleuvre à collier dépose très souvent sa ponte dans les fumiers situés à une petite distance des bâtiments ; elle les place aussi, comme on l'a vu plus haut, dans les excavations du sol, excavations qui peuvent être explorées par la Belette qui aime à visiter tous les trous qu'elle rencontre. Cet audacieux Carnivore ne doit pas hésiter à se jeter sur une Couleuvre de petite taille, mais il doit être beaucoup plus circonspect lorsque, dans une sombre galerie, il se trouve face à face avec une grande femelle bien adulte qui lui siffle au nez ou lui lance à la tête le contenu infect de ses poches anales.

Le 18 juin 1893, nous installons, dans une grande caisse sans couvercle mesurant 35 centimètres de hauteur, environ 200 œufs de Tropidonote à collier trouvés dans un fumier et provenant de plusieurs femelles qui avaient pondu récemment dans le même endroit. Nous faisons un grand trou dans notre jardin et nous y plaçons notre caisse en la laissant sortir du sol de quelques centimètres seulement. Avec les œufs, nous avions rapporté une certaine quantité du fumier dans lequel ils se trouvaient ; c'est avec ce fumier de Bœuf, humide, pâteux, séchant moins vite que le fumier de Cheval, que nous tapissons le fond de la caisse et c'est sur ce lit que nous plaçons nos paquets d'œufs ; nous les couvrons d'une couche du même fumier sur laquelle nous mettons quelques petites branches entrecroisées, pour laisser pénétrer un peu d'air, et nous recouvrons le tout de fumier de Cheval. Le 18 juin, jour de la découverte des pontes, l'embryon, incolore et enroulé sur lui-même, est très petit. Nous visitons un œuf de chaque paquet et nous constatons que les embryons ont tous à peu près la même longueur ; les œufs ont donc été pondus presque à la même époque et depuis quelques jours seulement. Le 1er juillet, nous ouvrons quelques œufs et nous en retirons des embryons de 55 à 60 millimètres de longueur. Le 11 juillet, l'embryon blanchâtre a 95 millimètres ; les organes génitaux se forment et permettent déjà de reconnaître les mâles des femelles ; on aperçoit les formes des écailles. Le 21 juillet, les plaques céphaliques commencent à se former ; les côtés de chacune des gastrostèges sont réunis et les écailles sont très apparentes ; le fœtus, qui ne tient maintenant à la masse vitelline que par l'ombilic, a 117 millimètres et ses parties supérieures deviennent légèrement noirâtres. Le 31 juillet, il a 140 millimètres ; les plaques céphaliques sont formées ; la coloration des parties supérieures est plus sombre, les taches noires des flancs et du dos paraissent, le collier blanc est bien visible ; la masse vitelline dans laquelle le fœtus est replié diminue de plus en plus. Le 10 août, nous constatons que beaucoup de nos œufs sont déformés, distendus, boursouflés par endroits ; cela provient probablement du contact trop prolongé de certaines parties de ces œufs avec le fumier humide ; l'enveloppe parcheminée se ramollit sans se rompre et, par suite des mouvements du fœtus, il se forme des boursouflures ; dans ces œufs, les sujets sont aussi beaux que dans ceux dont l'enveloppe est intacte. Ce jour-là, le fœtus a 17 centimètres ; la coloration des parties supérieures est sombre, le collier blanc très apparent ; les gastrostèges et les urostèges sont marquées de taches noirâtres. Le 17 août, dans l'après-midi, un jardinier qui travaillait près de l'endroit où nous faisions développer nos œufs, nous dit qu'il avait vu, sur le fumier qui recouvrait la caisse, une petite Couleuvre qui disparut à son approche. Nous enlevons aussitôt le fumier, et, à une faible profondeur, nous trouvons quelques Couleuvres naissantes ; plus nous approchons des œufs, plus nous rencontrons de ces jolis petits Ophidiens, vifs, souples et gracieux ; nous en retirons une trentaine de la caisse et nous constatons que chaque œuf vide présente une ou plusieurs fentes aussi nettes que si elles avaient été faites avec un instrument bien tranchant. Nous prenons des œufs sur lesquels nous remarquons une ou deux petites coupures par lesquelles s'échappe un peu d'albumine, mais toujours possesseurs de leurs fœtus ; nous les plaçons sur une table de façon à bien observer l'éclosion. Au bout de quelques instants, une jeune Couleuvre sort la tête, la rentre, la ressort par l'ouverture qu'elle a faite à son enveloppe, regarde autour d'elle, darde à chaque instant sa langue fourchue et enfin se décide à sortir brusquement ; le petit Ophidien, tout verni d'albumine, se met à ramper vivement devant nous. En peu de temps, plusieurs sujets s'échappent des œufs ; ils sortent presque tous sans la moindre trace de cordon ombilical ; une très petite fente, située un peu plus haut que le cloaque du nouveau-né, indique l'endroit où était fixé le cordon. Le vitellus est entièrement résorbé et, en examinant l'intérieur de l'enveloppe, on ne voit qu'un peu d'albumine plus ou moins transparente. Parfois, au moment de leur naissance, quelques rares individus traînent un bout de cordon terminé par une très petite quantité de vitellus ; ce cordon ne tarde pas à sécher et à tomber. En passant le doigt sur l'extrémité du museau du jeune Reptile, on constate la présence d'une légère rugosité située à la partie antérieure de la mâchoire supérieure ; au microscope, on voit que cette rugosité est une sorte de dent mince, large, tranchante, horizontale, avec laquelle la petite bête fait à sa coque l'incision qui doit la rendre libre. En plaçant dans une cage des sujets nés le même jour, nous avons vu que cette lamelle tranchante tombait le deuxième ou le troisième jour qui suit l'éclosion, parfois même le quatrième jour. La petite Couleuvre ne conserve que quelques instants la couche d'albumine qui la recouvre et sa peau est bientôt sèche et luisante. Elle a les parties supérieures noirâtres ou grisâtres, avec des taches noires bien alignées ; son collier est d'un blanc jaunâtre, parfois roussâtre ou presque rose ; ses parties inférieures sont jaunâtres sous la tête et la gorge, d'un blanc jaunâtre marqué de très nombreuses taches noirâtres ou plutôt bleuâtres, de couleur indécise, sous le cou et le corps, et plus on regarde vers la queue, plus on voit la coloration s'assombrir. Au moment de sa naissance, le Tropidonote à collier a de 19 à 21 centimètres de longueur totale. Le 18 août, il y a une vingtaine de naissances ; chaque jour nous visitons notre caisse et chaque fois nous constatons de nouvelles éclosions chez tous nos paquets d'œufs ; le 21 août, tous les œufs sont vides. Un œuf dont le vitellus était en partie durci, contenait un fœtus très maigre ayant sa coloration parfaite ; d'autres œufs, non fécondés ou détériorés, renfermaient une matière en putréfaction. Quelques œufs provenant des mêmes pontes, placés dans un endroit plus frais, nous donnèrent des petits du 22 au 29 août. Le 5 septembre suivant, en cherchant dans un tas de débris situé à proximité de l'endroit où nous avions fait notre élevage, nous avons trouvé un grand nombre de nos jeunes Tropidonotes. Plusieurs d'entre eux changeaient de peau ; ayant pris dans la main un sujet dont l'épiderme de la tête commençait à se détacher, nous le laissâmes glisser doucement entre nos doigts et en quelques instants sa dépouille, parfaitement intacte, nous resta dans la main ; alors le Reptile, devenu libre, retourna se cacher sous les débris. Ces Couleuvres paraissaient déjà un peu plus fortes qu'au moment de l'éclosion.

Dans son jeune âge, la Couleuvre à collier se nourrit de Vers et d'Insectes ; elle vit assez longtemps dans le fumier où elle est née et y passe ordinairement la mauvaise saison, car à la fin de l'hiver, lorsque les cultivateurs enlèvent les fumiers pour les transporter dans les champs, ils trouvent un grand nombre de petits Serpents qui vont se réfugier dans les trous des vieux murs, sous les tas de pierres et jusque dans les étables. Plus tard, elle va souvent à l'eau, vit de larves de Batraciens et de jeunes Anoures, et, à mesure qu'elle grandit, elle avale des proies de plus en plus volumineuses, d'énormes Grenouilles ou de monstrueux Crapauds, qu'elle rend dans le sac ou dans la cage si on la capture peu de temps après son repas. Elle n'est en état de reproduire que vers l'âge de trois ou quatre ans et à ce moment elle n'a pas encore atteint toute sa taille.

Les mâles ont une forme plus svelte que les femelles. Ces dernières peuvent arriver à une très forte taille et nous avons remarqué que les vieilles femelles, que nous trouvions ordinairement dans les bois humides, n'avaient plus trace du beau collier blanc jaunâtre ; ce collier disparaît à mesure que la bête vieillit et, chez les sujets de très grandes dimensions, il est presque complètement invisible.

Maintes fois nous avons pris ce Tropidonote, maintes fois nous avons été aspergés par la liqueur nauséabonde de ses poches anales, car c'est là sa seule défense. Il n'a pas le caractère mauvais et ne cherche guère à mordre lorsqu'on le capture, tellement il est effrayé ; mais lorsqu'il est en cage et qu'il s'est habitué à la vue de l'Homme, il se gonfle, siffle et projette sa tête sur la toile métallique, comme s'il voulait mordre le visiteur qui s'approche de sa prison ; les jeunes de deux ou trois ans surtout, qui sont bien plus irascibles que les adultes, font ce simulacre pendant quelques jours mais finissent bientôt par se calmer et s'habituer à la captivité. Ce Reptile s'apprivoise assez vite et ne tarde pas à prendre sa nourriture devant son maître. Bien souvent, nous avons vu nos Couleuvres avaler les Batraciens que nous leur donnions : une de nos captives saisissait une Grenouille par un des membres inférieurs, puis, en faisant avancer successivement ses maxillaires, elle finissait par faire disparaître peu à peu la proie dans sa bouche énormément distendue ; lorsque la Grenouille était saisie par la tête ; l'opération était plus rapide et durait deux ou trois minutes, si la victime était de moyenne taille. Nous avons vu une grande Couleuvre avaler trois Grenouilles en moins d'une demi-heure et nous avons remarqué qu'elle choisissait toujours les plus petites parmi celles qui étaient placées dans sa cage. La digestion se faisait très lentement et, après un bon repas, nos bêtes restaient un certain nombre de jours sans prendre de nourriture.

Ce Serpent, ainsi que tous nos autres Ophidiens, change de peau à des intervalles irréguliers ; il n'est pas rare de trouver, dans les tas de joncs morts qui bordent les étangs, de nombreuses dépouilles de Tropidonotes. Chez nos sujets captifs, l'épiderme caduc se détachait ordinairement par lambeaux ; pourtant, nous avons souvent eu des Couleuvres adultes qui nous ont donné des dépouilles bien entières. Quelques jours avant la mue, les couleurs se ternissent ; l'œil paraît blanchâtre et l'animal semble aveugle ; l'épiderme commence à se détacher des écailles qui bordent la bouche, puis des plaques de la tête, des yeux qui paraissent alors vifs et brillants ; une sorte d'exsudation se produit entre le nouvel et l'ancien épiderme, et ce dernier se détache peu à peu de la peau ; le Reptile passe alors très lentement sous les branches ou entre les pierres de sa cage, se débarrasse peu à peu de son vieux vêtement et apparaît revêtu de brillantes couleurs. Entre le moment où l'épiderme commence à se détacher des bords de la bouche et la fin de la mue, il se passe environ quarante-huit heures.

Cette espèce disparaît en novembre, au moment des premiers froids, et se réfugie dans les trous de terre, sous les souches des vieux arbres, dans les cavités des rochers, où elle passe la saison des frimas.

Nous avons exposé trois individus bien adultes à une température de 7° au-dessous de zéro ; deux de nos bêtes furent gelées et ne revinrent pas à la vie, la troisième, inerte et presque entièrement durcie par le froid, fut placée dans une chambre chauffée et, dès le lendemain, elle avait repris sa souplesse et sa vigueur.

La coloration de ce Tropidonote est très variable ; des individus ont une apparence grisâtre, d'autres sont noirâtres, enfin nous avons capturé, près de Tendu, un sujet presque entièrement mélanos.

9. — Tropidonote vipérin, Tropidonotus viperinus - Duméril et Bibron.

Couleuvre vipérine, Natrix maura

Brun en dessus, légèrement jaunâtre par endroits avec des taches noirâtres presque carrées, disposées parfois en zigzag mais souvent placées assez régulièrement et ressemblant un peu aux cases d'un damier ; tête marquée de taches noirâtres. Jaunâtre en dessous, avec des taches noires ou noirâtres assez larges, très nombreuses et couvrant presque entièrement la couleur jaune chez certains individus. La coloration est assez variable. Gastrostèges : 154 ; urostèges : 50 paires. Longueur totale : 0 m. 50 à 0 m. 65.

Le Tropidonote vipérin, appelé aussi Couleuvre vipérine, est très commun sur les bords des étangs, mares, ruisseaux et rivières dans lesquels il trouve en abondance les Poissons et les petits Batraciens qui composent sa principale nourriture. Il nage très bien, plonge dans la perfection et se meut dans l'eau avec une grande agilité. Nous l'avons vu capturer de très gros Goujons, qu'il va chercher sous les pierres, non loin des rives, et c'est ordinairement sur le bord de l'eau qu'il avale sa proie. Il fait une guerre acharnée aux larves de Batraciens ; bien souvent nous l'avons vu, caché dans les herbes, la tête hors de l'eau, guetter et saisir l'imprudente Larve qui vient se promener près de la surface. Un jour que nous étions à pêcher des Tritons, nous avons capturé un Tropidonote vipérin qui rendit dans notre sac deux Larves de Grenouille verte à la troisième période et une Larve d'Alyte à la fin de la quatrième période.

Lorsqu'elle a absorbé une quantité suffisante de nourriture, la Couleuvre vipérine va s'étendre ou s'enrouler sur les pierres des rives ou bien encore grimpe sur un buisson ou une vieille souche d'arbre, sur un mur en ruine, d'où elle fuit presque toujours à la moindre alerte.

Nous l'avons prise maintes fois et, effrayée, elle ne cherche guère à mordre. Il n'en est pas ainsi lorsqu'on la conserve en cage ; elle reprend alors son assurance et, pendant quelque temps, cherche à se défendre lorsqu'on veut la toucher. Nous nourrissions nos captives au moyen de Vairons et de Goujons vivants que nous placions dans le bassin de leur cage. Elles avalaient devant nous et sans répugnance les Poissons morts, mais frais, que nous leur donnions ; elles saisissaient leur proie par la tête et en une ou deux minutes environ le Goujon était ingurgité. Elles prenaient les petits Vairons vivants par le milieu du corps, appuyaient tantôt la tête, tantôt la queue de leur victime contre l'une des parois de leur cage et le Poisson minuscule disparaissait ainsi, en travers, barrant presque la gueule du Reptile. Elles buvaient souvent et aimaient à se baigner.

En juin ou juillet, la Vipérine pond de 5 à 15 œufs qu'elle dépose dans les fissures profondes des glacis des voies ferrées, des culées de ponts, ou dans des trous de terre, à proximité des eaux ; elle utilise les trous des Lézards verts ou les vieilles galeries abandonnées des Taupes ou des petits Rongeurs. En août ou septembre les petits naissent ; ils sont alors, comme couleurs, les plus jolis Ophidiens de nos contrées ; de même que les jeunes de l'espèce précédente, ils grandissent lentement et ceux qu'on trouve en juin suivant n'ont guère que 20 ou 22 centimètres de longueur.

Le 28 juin 1893, nous avons trouvé cinq œufs dans un trou d'une petite banquette de la route d'Argenton à La Châtre, tout près de l'étang de Verneuil, à quelques kilomètres d'Argenton. Ces œufs, d'un blanc mat, avaient la même grosseur que ceux de l'espèce précédente mais étaient un peu plus allongés ; ils n'étaient pas collés les uns aux autres. Nous avons ouvert deux de ces œufs et nous avons trouvé dans chacun d'eux un embryon extrêmement petit, ce qui prouvait que la ponte avait eu lieu récemment. Nous avons enfoncé obliquement un morceau de bois dans la terre de notre jardin, et, après l'avoir retiré, nous avons glissé dans le trou ainsi formé les trois œufs qui nous restaient. Le 4 septembre suivant, voulant savoir ce que devenaient nos œufs, nous enlevons la terre qui les recouvrait, car les parois du trou, peu solides, s'étaient affaissées ; nous trouvons d'abord deux œufs desséchés chez lesquels l'embryon était mort, puis, à l'endroit où était placé le troisième, nous avons le plaisir de rencontrer une jeune Vipérine naissante qui, n'ayant pu sortir du trou par suite de l'affaissement de la terre, s'était enroulée près de l'enveloppe de l'œuf. Cette coque présentait des déchirures, ou plutôt des coupures aussi nettes que celles qu'on observe sur l'enveloppe des œufs de la Couleuvre à collier. La jeune Vipérine que nous venions d'exhumer était très vigoureuse ; elle mesurait 176 millimètres de longueur ; sa dent caduque était tombée, ce qui prouvait, par suite des expériences que nous avons faites sur les jeunes sujets de l'espèce précédente, que sa naissance remontait au moins à deux, trois ou quatre jours. En dessus, elle avait toutes les taches noirâtres et régulières de l'adulte, sur fond gris violet ; en dessous, elle était d'un noir bleuâtre, avec des marques blanchâtres sous la tête et sur le bas des flancs. Sur le milieu des parties inférieures, on voyait la longue ligne sur laquelle se soudent les deux parties de chacune des gastrostèges ; cette ligne formait un léger sillon très apparent ; chez le jeune Tropidonote à collier, ce sillon est presque invisible. La teinte violette des parties supérieures et la coloration bleuâtre des parties inférieures ne durent pas très longtemps ; bientôt le jeune Tropidonote vipérin devient roussâtre et prend le costume de ses parents.

La Vipérine disparaît aux premiers froids et choisit pour domicile les vieux troncs d'arbres, les fissures des rochers, les trous de terre et les glacis des voies ferrées. En décembre 1887, lorsque nous faisions des fouilles dans les cavernes des bords de la Creuse pour y rechercher des fossiles, nous avons trouvé cette Couleuvre enfoncée et enroulée dans la terre, mais nullement engourdie. Elle reparaît à la même époque que l'espèce précédente.

GENRE CORONELLE, Coronella - Laurenti.

Tête petite, portant de grandes plaques ; pupille ronde ; cou très peu distinct ; corps long, cylindrique ; queue assez longue, conique. Écailles lisses.

10. — Coronelle lisse, Coronella lævis - Lacépède.

Coronelle lisse, Coronella austriaca

Parties supérieures d'un brun roussâtre, avec deux ou quatre rangs de taches rousses bordées de noir. Lorsqu'il y a quatre rangs de ces taches, les rangs des flancs sont parfois à peine visibles. Deux grandes taches noirâtres se réunissant vers la base de la tête ; mâchoires bordées de blanc jaunâtre ; une ligne noirâtre sur les côtés du museau, de la tête et vers la naissance du cou. Parties inférieures presque noires, jaunâtres ou roussâtres sur les côtés ; dessous de la tête et gorge jaunâtres. Gastrostèges : 177 ; urostèges : 52 paires. Longueur totale : 0 m. 55 à 0 m. 66.

Cette espèce n'est pas rare pendant toute la belle saison dans les contrées sèches et couvertes de pierres ou de rochers. Nous l'avons capturée à Fontgombault, Sauzelles, Saint-Aigny, Argenton et Tendu ; elle est particulièrement commune sur les coteaux des bords de la Bouzanne, entre les châteaux de la Chaise et de la Rocherolle ; enfin M. Picaud l'a trouvée à Vigoux et nous a donné plusieurs individus qu'il avait pris près de cette localité.

La Coronelle lisse est assez agile, mais on s'en empare facilement car elle ne fuit pas avec la vitesse des autres Couleuvres. Elle n'est pas méchante, et jamais les sujets que nous capturions ou que nous conservions en captivité n'ont cherché à nous mordre.

Elle chasse les Lézards, les jeunes Orvets et les petits Mammifères ; nous avons souvent retiré de son tube digestif des Lézards gris, des Campagnols et des Mulots. Elle s'attaque surtout aux jeunes Rongeurs encore au nid : dans le corps d'une Coronelle de grande taille, nous avons trouvé quatre jeunes Campagnols.

C'est Wyder qui, le premier, a observé que cette espèce était ovovivipare, que chaque femelle faisait de 10 à 12 petits qui sortaient libres ou déchiraient leur enveloppe aussitôt après la ponte. D'après Lenz, la ponte a lieu dans les premiers jours de septembre ; les petits sortent immédiatement de l'œuf et ont 15 centimètres de longueur. Nous avons retiré 13 œufs du corps d'une femelle bien adulte.

La Coronelle disparaît aux premiers froids et hiverne sous terre ou dans les trous des rochers.

 


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